Saint Roch et les pestiférés

L’équipe de restauration du projet « Les estampes européennes de Dürer à Rembrandt » vient de terminer la conservation curative de la gravure « Saint Roch et les pestiférés » (1628) de Paulus Pontius. La gravure sur cuivre fut réalisée d’après un autel populaire de Pierre Paul Rubens à la collégiale Saint-Martin d’Alost. Rubens conçut cet autel pour le compte de la guilde des marchands de houblon et de blé d’Alost dont Saint Roch était le saint patron.

 

Cohabitant de Rubens

Les tableaux de Rubens étaient souvent diffusés par le biais d’estampes. Rubens confia la transposition de ses tableaux en gravures à quelques graveurs de premier plan qu’il désignait lui-même, tels que Lucas Vorsterman. Après le départ de Vorsterman à Londres (en 1624), Pontius reprit cette tâche de son maître. Entre 1624 et 1631, il habitait même chez Rubens.

 

Saint Roch : le saint guérissant les pestiférés

La composition de Rubens représentant les pestiférés bénéficiait d’une grande popularité, aussi en raison de la représentation du saint des victimes de la peste, Saint Roch. Saviez-vous par ailleurs que le bâtiment de KBR a été érigé à l’endroit où se trouvait jadis le quartier bruxellois de Saint Roch ?

 

Pierre Paul Rubens, détail de “Saint Roch nommé par le Christ comme patron des pestiférés”, ca 1623, peinture sur toile, Collégiale Saint-Martin, Alost. Photo : Lukasweb.

 

Saint Roch, né à Montpellier, fut l’un des saints des victimes de la peste les plus connus. Après le décès de ses parents, il décida de partir en pèlerinage pour Rome. Sur le chemin, il guérissait les malades, surtout les pestiférés. Il finit par être contaminé à son tour et se retira dans un bois, où un chien lui apporta chaque jour un pain. De manière miraculeuse, il recouvra la santé et retourna à Montpellier. Il serait mort au cachot.

Nous reconnaissons Saint Roch à son équipement de pèlerin, au chien et à sa jambe partiellement dénudée. Il s’agenouille sur une plateforme en pierre et à côté de lui apparait le Christ ressuscité. Le Christ montre un ange qui tient en mains une tablette sur laquelle il est écrit ‘ERIS IN PESTE PATRONUS’ (« Tu seras le patron des pestiférés »). Dans le bas de la gravure, nous apercevons les pestiférés gravement atteints regardant saint Roch.

 

Rubens gravé dans le cuivre

Le tableau de Rubens a été reproduit sous forme de gravure sur cuivre par Pontius. Ce dernier utilisa la technique de la taille douce qui consiste à imprimer les parties creuses (les traits gravés) foncées. Dans le cas présent, le graveur a employé un burin (petit instrument en forme de v, qui permet d’obtenir une grande variété d’épaisseurs des traits). La plaque gravée était ensuite couverte d’encre avant d’être imprimée sur une feuille de papier à l’aide d’une grande presse.

Il est exceptionnel que KBR soit aussi en possession de la plaque de cuivre qui a servi à imprimer cette estampe :

 

gravure en koperplaat van "Sint-Rochus en de pestlijders"

À gauche : Paulus Pontius, Saint Roch et les pestiférés, 1628, gravure, KBR.

À droite : plaque de cuivre de Paulus Pontius, Saint Roch et les pestiférés, 1628, KBR.

 

Ce qui nous permet d’affirmer cela avec certitude, c’est le fait que la plaque et l’estampe présentent les mêmes « petites erreurs ». Les endroits où le graveur a glissé un peu avec son burin dans la plaque de cuivre, correspondent avec les traits d’encre qui ont dérapé sur l’estampe :

detail van 'Sint-Rochus en de pestlijders'

Une “petite erreur” commune, tant sur la gravure que sur la plaque de cuivre.

 

La Chalcographie de KBR

Les différentes planches gravées que possède KBR, sont conservées par le service Chalcographie. Cette section faisait partie intégrante de la Bibliothèque royale depuis sa fondation en 1837 avant de devenir un service à part entière en 1930, sous l’impulsion du Ministre Jules Destrée, dont l’épouse, Marie Danse, était elle-même graveur. L’élément déclencheur fut une exposition itinérante des chalcographies de Rome, Paris et Madrid, qui a fait une halte en Belgique en 1928.

La Chalcographie de Bruxelles collecte des planches originales qui ont servi à imprimer des gravures, quel que soit le matériau du support (cuivre, bois e.a.). À ses débuts, la collection comptait quelque 2.000 planches gravées. Elles étaient malheureusement fort abîmées et donc peu attractives pour le grand public. La Chalcographie de Bruxelles a dès lors décidé de mener une politique active d’acquisition, acquérant par voie d’achats et de dons, de nouvelles planches d’artistes contemporains, belges et étrangers. La collection compte aujourd’hui près de 9.000 planches gravées et chaque année, la collection s’enrichit d’œuvres représentatives de la gravure moderne.

 

L’atelier de chalcographie de KBR
L’atelier de chalcographie de KBR

 

D’autre part, l’État a confié à la Chalcographie, à sa création, la mission de diffuser cet important patrimoine, notamment par la vente, à prix démocratique, de reproductions contemporaines de planches originales. De nos jours, cette pratique est encore toujours perpétuée. L’atelier et le comptoir de vente se trouvent aux étages inférieurs de l’ancien palais de Charles de Lorraine.

La plaque de cuivre originale de “Saint Roch et les pestiférés” ayant été aciérée (couverte d’une très fine couche d’acier), celle-ci a une durée de vie plus longue et peut encore être imprimée aujourd’hui.

Vous pouvez acheter des reproductions au shop de KBR.

 

 

Plus d’informations

Ce projet a été réalisé avec le support du Foundation Roi Baudouin et le Fonds Baillet Latour.

 

Sources

  • Vlieghe, Hans. Saints (Corpus Rubenianum Ludwig Burchard, 8), n° 140. Arcade, Bruxelles (1972).
  • Jaffé, Michael & Mulazzani, Germano. Rubens: catalogo completo, 1989, p. 281, n° 766a.