KBR vient d’acquérir un précieux document qui enrichira sa collection : La Justice Moderne, dessin préparatoire d’une œuvre, aujourd’hui disparue, du peintre belge Jean Delville (1867-1953). Considéré comme l’un des principaux représentants du Symbolisme, Delville acquit, au sommet de sa carrière, une réputation internationale.
Une œuvre perdue dans les flammes
En Belgique aussi, Delville se voit attribuer d’importantes commandes officielles. De 1907 à 1914, il exécute une série de peintures monumentales qui orneront la salle de la cour d’Assises du Palais de Justice de Bruxelles. Les cinq tableaux illustrent l’évolution de la justice à travers l’histoire.
Jean Delville devant La Justice Moderne, ca 1913. Collection privée
Photo : Jean Delville (1867-1953) : maître de l’idéal (Paris : Somogy, 2014), p. 116.
En 1944, son œuvre majeure est détruite par un incendie, provoqué par l’occupant allemand qui bat en retraite. Lors de la restauration de la salle, les œuvres originales seront remplacées par des études à l’huile exécutées par Delville en préparation à la version définitive, partie en fumée.
3 septembre 1944 : incendie du Palais de Justice de Bruxelles. © CegeSoma/Cauvin
Un témoin essentiel
Delville et, après lui, ses descendants, ont heureusement conservé une série de dessins très détaillés de grand format, exécutés au crayon sur carton en préparation à l’œuvre définitive. Ces dernières années, quelques-uns de ces dessins ont été proposés en vente publique. Le Cabinet des Estampes de KBR a pu, début novembre, acquérir auprès de la galerie bruxelloise Éric Gillis Fine Art un des derniers dessins de la collection ayant appartenu aux héritiers de Delville.
Composition allégorique
Le dessin représente une allégorie de la justice durant la période moderne. Dans La Justice Moderne, une figure féminine tenant un flambeau personnifie la Justice. Elle se tient derrière un homme de loi, réfléchissant au sort d’un criminel l’implorant à genoux.
Le dessin témoigne de la maîtrise de Delville quant à la construction de grandes compositions symbolistes, évoquant des figures héroïques. De par l’utilisation du crayon, il obtient un remarquable effet sculptural. Cette technique met particulièrement en évidence l’effet plastique de sa composition. Le quadrillage du dessin permet de transposer l’œuvre à une plus grande échelle sur les toiles définitives. Ce n’est qu’après cette étape que les couleurs – élaborées dans les différentes esquisses à l’huile – seront appliquées.
Jean Delville, La Justice Moderne, ca 1911-14. Crayon sur carton, 1330 x 930 mm.
KBR – Estampes et dessins, F-2020-5.
Un hommage à un Belge célèbre
Autre aspect intéressant de ce dessin, la mise en avant par l’artiste d’un Belge célèbre : Jules Lejeune (1828-1911). Ce célèbre avocat et professeur de droit, qui fut également ministre de la Justice de 1887 à 1894, a contribué de manière significative au développement du système judiciaire belge. Durant son mandat de ministre, il a mené de nombreuses réformes et élaboré, entre autres, la loi relative à la libération conditionnelle des détenus, connue aujourd’hui sous le nom de « Loi-Lejeune ». Il était donc la personne idéale pour incarner cette « Justice moderne ».
Un document intéressant pour la collection fin-de-siècle de KBR
Ce dessin est un maillon important dans la genèse de l’œuvre perdue de Delville. Il est donc essentiel qu’il rejoigne les collections patrimoniales belges pour mieux comprendre l’œuvre de l’artiste. De plus, l’acquisition de ce prestigieux dessin complétera à merveille la collection fin-de-siècle de KBR.
Il enrichira également les collections du Cabinet des Estampes qui conserve déjà deux œuvres de Delville : le monumental Voyageur endormi attaqué par une légion de corbeaux de 1888 et le dessin au fusain, de plus petit format, L’enterrement d’un enfant. À la différence de ces deux œuvres autonomes, aucun dessin préparatoire de Delville, comme La Justice Moderne, n’était conservé dans les collections de KBR. Voilà qui est fait, pour notre plus grand plaisir.
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