À ne pas rater : un manuscrit « noir » au KBR museum

À partir du 22 novembre, les visiteurs du KBR museum pourront admirer une nouvelle sélection de manuscrits, d’imprimés et d’estampes datant de l’époque des ducs de Bourgogne. Un des ouvrages présentés est particulièrement exceptionnel : les basses danses de Marguerite d’Autriche, fille de Marie de Bourgogne et de Maximilien d’Autriche dont les pages sont… noires.

Un parchemin rarissime

Il est peu probable que vous ayez déjà eu l’occasion de voir un manuscrit sur parchemin noir. De par le monde, il n’en existe que 7 exemplaires connus à ce jour. Pour obtenir cet effet, ces parchemins ont été teintés soit avec des pigments noirs à base de carbone, soit avec des composés ferro-galliques.

Les manuscrits du Moyen Âge sont par définition uniques et très précieux. Mais avec leurs 25 feuillets de couleur noire, les basses danses revêtent un caractère particulièrement exceptionnel. À la cour de Bourgogne, la couleur noire est le symbole du luxe et du prestige. De plus, les notes et les mots rédigés à l’encre dorée et argentée, brillent de mille feux et donnent encore plus de majesté à ce manuscrit.

L’étiquette apposée sur la reliure de l’ouvrage décrit le contenu du manuscrit : « Plusie(urs) basse danse » (KBR, ms. 9085)

Un manuscrit extrêmement fragile

La couleur noire donne indéniablement un cachet exceptionnel à ce manuscrit mais représente également un véritable défi en termes de conservation. Au fil du temps, la teinture noire a fragilisé les fibres du parchemin, rendant le manuscrit particulièrement sensible.

Des tentatives de restauration ont déjà été entreprises au XIXe siècle mais les résultats ne furent pas concluants sur le long terme. En effet, pour éviter l’effritement des bords extérieurs du manuscrit, les folios ont été renforcés par des bandes de papier noir. Si ce traitement a permis de consolider les bords des feuillets, il est à l’origine de nouvelles dégradations : le papier, épais et rigide, crée une sorte de cadre contraignant le parchemin extrêmement fragilisé, qui est alors susceptible de casser à côté des anciennes réparations.

Aussi fragile qu’exceptionnel, ce véritable trésor n’est donc pratiquement jamais sorti de son coffre-fort. Mais suite à l’achèvement d’un projet de recherche et à la publication d’un fac-similé de haute qualité, vous aurez la chance unique d’admirer le manuscrit original des basses danses au KBR museum durant le week-end des 3 et 4 décembre 2022. En dehors de ces dates, le manuscrit original sera remplacé par un fac-similé.

Le manuscrit étant extrêmement fragile, il ne quitte pratiquement jamais le coffre-fort où il est conservé. (KBR, ms. 9085)

Une danse particulièrement raffinée

La basse danse est pratiquée à la cour au XVe et au début du XVIe siècle. À la différence des autres danses plus sautillantes, les basses danses sont particulièrement gracieuses : les pieds des danseurs quittent à peine le sol. La basse danse, plus raffinée, est pratiquée par la noblesse et contraste avec les danses moins élitistes du Moyen Âge, qui permettaient plus de mouvements. Mais la basse danse est aussi un art, celui de retenir de nombreux pas, et une façon pour la noblesse de mettre en avant une qualité essentielle : la mémoire.

Le manuscrit des basses danses de Marguerite d’Autriche contient 58 danses reprenant des notes en dessous desquelles se trouvent des instructions chorégraphiques. L’ouvrage, réalisé vers 1500, est le plus ancien livre de danses connu des anciens Pays-Bas méridionaux. Il est considéré, dans le monde entier, comme une source essentielle à la compréhension de ce style. 

Dans aan het hof (KBR, ms. 9631, folio 2v)
Danse à la cour (KBR, ms. 9631, folio 2v)

Un cadeau stratégique

Bien qu’il contienne une note de propriété ainsi qu’une cote de la bibliothèque de Marguerite d’Autriche, le manuscrit a probablement été commandé par Philippe de Clèves et Françoise de Luxembourg.

Il est probable que ce couple d’aristocrates, riche et influent, ait offert ce prestigieux manuscrit à Marguerite d’Autriche vers 1500 afin de tenter de rentrer dans les faveurs de la cour de Bourgogne par le biais d’un cadeau très coûteux. En effet, Philippe de Clèves était tombé en disgrâce auprès de Maximilien d’Autriche, l’époux de Marie de Bourgogne vers 1485.

Ex-libris de Marie de Hongrie ornant le manuscrit des basses danses  (KBR, ms. 9085)

Fac-similé

Ces dernières années, KBR et Alamire Foundation ont effectué des recherches sur les basses danses donnant lieu à l’édition d’un fac-similé dans la série Leuven Library of Music in Facsimile. L’étude qui a accompagné la réalisation du fac-similé a été menée par une équipe internationale d’experts en musique, danse, codicologie et histoire des collections de livres et œuvres d’art de Marguerite d’Autriche. Pour en savoir plus sur ce projet, vous pouvez visionner la vidéo qui lui est consacrée sur alamire.tv.