Il y a 750 ans, Jacob van Maerlant écrivait la toute première adaptation de la Bible dans la langue vernaculaire néerlandaise : « la Rijmbijbel ». Comme son nom l’indique, le texte est écrit en vers. L’exemplaire conservé par KBR est particulier : il est considéré comme le plus ancien manuscrit enluminé en néerlandais préservé dans sa totalité. D’autres raisons expliquent également pourquoi il est internationalement considéré comme un véritable chef-d’œuvre.
Jacob van Maerlant, mondialement connu aux Pays-Bas
Jacob van Maerlant, poète du XIIIe siècle, est l’un des auteurs les plus connus et les plus prolifiques s’exprimant en moyen néerlandais. Sa volonté était de rendre les ouvrages écrits en latin accessibles dans la langue vernaculaire.
Bien qu’au début de sa carrière il ait écrit un certain nombre de récits de chevalerie, il s’est ensuite principalement concentré sur ce que nous appellerions aujourd’hui la « non-fiction ». C’est pour cette raison qu’il est peut-être mieux connu pour avoir écrit « Spiegel historiael », une chronique mondiale et « Der naturen bloeme », une encyclopédie sur la nature. Tous ses textes sont écrits en rimes, contrairement à notre écriture contemporaine.
Pour réaliser la « Rijmbijbel » – la toute première adaptation en néerlandais des récits de la Bible – il s’est basé sur différentes sources dont certaines étaient déjà connues dans les milieux ecclésiastiques et intellectuels. Ces textes devenaient désormais accessibles à ceux qui ne maîtrisaient pas le latin. À l’histoire biblique, Jacob van Maerlant y a ajouté une adaptation en moyen néerlandais d’un texte sur les décennies qui ont suivi la crucifixion du Christ : le « Wrake de Jérusalem ».
Ses textes étaient largement diffusés aux Pays-Bas, tant auprès de la noblesse que de la bourgeoisie et du clergé. Ce qui était exceptionnel car peu d’autres textes en moyen néerlandais ont connu une telle diffusion. Par la suite, l’écrivain a beaucoup influencé d’autres auteurs, dont il se distingue malgré tout par sa polyvalence et son zèle particulier.
Un public cultivé
La « Rijmbijbel » de Jacob van Maerlant était un ouvrage populaire, copié durant deux siècles. On ne connaît pas le nombre de « Rijmbijbel » qui ont été réalisées, mais il subsiste encore aujourd’hui 64 exemplaires de ce manuscrit. Ce qui est un nombre relativement élevé pour un texte datant du XIIIe siècle.
Les écrits de Jacob van Maerlant circulaient dans les milieux lettrés, comme à la cour comtale des Pays-Bas. D’après l’auteur, il aurait écrit la « Rijmbijbel » pour le compte d’un « ami cher », bien que nous ne sachions pas à qui il fait référence. Quoi qu’il en soit, la « Rijmbijbel » a séduit un public cultivé et aisé. Certains de ces manuscrits sont particulièrement précieux.
Plus de 150 miniatures
L’un de ces manuscrits luxueux a été réalisé à l’époque même de Jacob van Maerlant et probablement lors de son vivant. L’ouvrage conservé par KBR (ms. 15001) date du dernier quart du XIIIe siècle et peut être considéré comme le plus ancien manuscrit enluminé connu de langue néerlandaise.
Parmi les exemplaires plus ou moins similaires, le manuscrit bruxellois se distingue par sa taille, les nombreuses miniatures et le fait que l’ouvrage a été conservé dans sa quasi-totalité.
Avec ses 159 miniatures et ses 4 décorations marginales, ce manuscrit est la « Rijmbijbel » la plus richement enluminée encore conservée aujourd’hui. C’est uniquement dans cet exemplaire que le « Wrake de Jérusalem » est pourvu d’enluminures textuelles. Dans d’autres manuscrits, la partie du texte ne comporte qu’une miniature inaugurale.
Récits hauts en couleur
Les miniatures de cette « Rijmbijbel » ne sont pas seulement utilisées pour illustrer le manuscrit, elles sont souvent insérées en tant qu’élément de transition entre les récits, apportant ainsi une structure au texte qui n’est pas composé de chapitres distincts. En outre, les miniatures facilitaient probablement la mémorisation du contenu du texte.
À la fin du XIIIe siècle, il existait une tradition iconographique pour les récits bibliques. Les miniatures représentant l’Ancien Testament dans la « Rijmbijbel » s’inspirent de l’enluminure biblique de l’époque et des illustrations de psautiers. Les miniatures témoignent de la créativité du miniaturiste qui adaptait parfois directement le texte de Jacob van Maerlant en images ou y ajoutait lui-même certains éléments.
Miniatures menacées
Il y a plus d’un quart de siècle, on a constaté que des fragments de feuilles d’or se détachaient de certaines miniatures de la« Rijmbijbel ». Les techniques de restauration utilisées à l’époque semblaient inadéquates et la restauration a dès lors été postposée car elle risquait d’endommager davantage le manuscrit. En 2014, grâce au soutien du Fonds Abbé Manoël de la Serna de la Fondation Roi Baudouin et à l’aide de nouvelles technologies, KBR a entamé un traitement de conservation. Vous pouvez à nouveau enfin admirer le manuscrit.
Travail de bénédictin de haute technologie
Afin de permettre une étude préalable et minutieuse, le manuscrit a été entièrement numérisé en conformité avec les plus hautes exigences de qualité. Ce qui a permis d’obtenir des images qui cartographient dans les moindres détails – à peine perceptibles à l’œil nu – les dommages causés aux miniatures.
Grâce à la consolidation effectuée après une analyse détaillée des images, le manuscrit peut à nouveau être exposé au public. La consolidation est un processus qui vise à restaurer la compacité et l’adhérence perdues entre les différentes couches, empêchant ainsi la perte de matériau.
Des étudiants mis à contribution
Parallèlement à la restauration du manuscrit, des étudiants provenant des universités d’Anvers, d’Utrecht et de Leyde ont travaillé sur son contenu. À Utrecht, sous la direction de Martine Meuwese, des étudiants en histoire de l’art ont étudié les miniatures et les ont situées dans l’histoire de la « Rijmbijbel » et du « Wrake ».
À Anvers, Frank Willaert et Patricia Stoop ont soutenu des étudiants dans la traduction en néerlandais moderne du texte d’accompagnement de la « Rijmbijbel ». À l’Université de Leyde, Bram Caers a accompagné des étudiants dans l’étude de certains passages non traduits du « Wrake ». Les résultats de ces groupes de travail ont constitué la base de l’ouvrage qui vient d’être publié « De Rijmbijbel van Jacob van Maerlant: Het oudste geïllustreerde handschrift in het Nederlands ».