Les Chroniques de Hainaut : un tableau de maître sur parchemin

Une miniature de renommée internationale

Le premier volume des Chroniques de Hainaut comporte une miniature tout à fait remarquable : la scène de présentation du manuscrit au duc de Bourgogne.

Mettant généralement en scène la remise d’un ouvrage à son commanditaire, les miniatures de présentation apparaissent dans de nombreux manuscrits. Caractéristiques du bas Moyen Âge, on les retrouve aussi dans des œuvres plus anciennes et bien au-delà des frontières européennes.

Le frontispice des Chroniques de Hainaut montre ainsi Jean Wauquelin, traducteur et compilateur de l’ouvrage, offrant son travail à  Philippe le Bon, entouré des plus importants dignitaires de la cour de Bourgogne. Pourtant dans la lignée des scènes de ce genre, cette miniature est en plusieurs points remarquables…

Une oeuvre de Rogier van der Weyden ?

Rogier van der Weyden est considéré, au même titre que Jan van Eyck, comme l’un des plus grands Primitifs flamands du XVe siècle. Sa renommée est principalement due à ses tableaux. Pourtant, à l’époque, il n’est pas exceptionnel pour un artiste de peindre à la fois sur panneau et sur parchemin. Au XVe siècle, les manuscrits sont considérés comme d’importantes et luxueuses œuvres d’art. Ce n’est qu’avec la généralisation du livre imprimé que la peinture devient la forme d’art la plus importante. C’est pourquoi, aujourd’hui, certains affirment que les plus belles œuvres des Primitifs flamands se trouvent dans ces manuscrits.

Dans le cas présent, il s’agirait de l’unique miniature de la main de Rogier van der Weyden. S’il n’existe pas de preuve documentée attestant qu’il ait réalisé la miniature, les analyses de style (notamment la conception des visages), l’étude des dessins sous-jacents et la technique picturale de la miniature laissent supposer qu’il en est toutefois bien l’auteur.

Vous pouvez admirer les Chroniques de Hainaut au deuxième étage du KBR museum, dans un cocon spécialement conçu pour mettre en valeur ce chef-d’œuvre.

Un message clair

Tant sur le plan symbolique que du point de vue iconographique, la scène de présentation des Chroniques de Hainaut est en tout point remarquable. Au centre de la composition : Philippe le Bon. Impassible, il apparaît debout et non sur un trône comme le voudrait la tradition. Isolé des autres, il attire tous les regards. Sa main gauche se pose sur sa dague et il porte dans la droite, un fin marteau, insigne de son pouvoir. Vêtu en damassé noir, le duc se détache nettement du fond.

À côté du duc se tient son fils, le jeune comte de Charolais, futur Charles le Téméraire, âgé d’une quinzaine d’années. En tant que successeur légitime, le jeune Charles incarne la continuité de l’État. Le message est clair : le pouvoir princier n’est pas le fait d’un seul homme, pris individuellement, mais devient l’apanage d’une dynastie qui entend s’inscrire dans la durée.

Livres d’« histoire »

En 1433, Philippe le Bon annexe le Hainaut, la Hollande et la Zélande arrachés à sa cousine Jacqueline de Bavière. Dans ce contexte, les Chroniques de Hainaut ne sont plus seulement des volumes majestueux mais bien un véritable outil de propagande visant à légitimer cette prise de pouvoir à travers une représentation et une narration finement calculées.

En 1446, Jean Wauquelin, traduit en français pour Philippe le Bon les Annales historiae illustrium principum Hannoniae du franciscain Jacques de Guise, un ouvrage sur l’histoire du comté de Hainaut récemment acquis par le duc.

 

4 copistes et plus de 10 miniaturistes ont été nécessaires à la réalisation des 1.700 pages et 121 miniatures qui composent les 3 volumes des Chroniques de Hainaut.

– Julie Bouniton, commissaire du KBR museum

Jean Wauquelin, libraire et copiste à Mons, n’a pas seulement copié et traduit le manuscrit, il a également apporté quelques « adaptations ». Notamment un prologue présentant Philippe le Bon comme l’héritier légitime d’une tradition de souverains remontant à la guerre de Troie.

Les Chroniques de Hainaut répondent à des enjeux politiques clairement identifiables et placent ainsi les ducs de Bourgogne dans la lignée des plus grands héros légendaires en faisant fi de certaines réalités historiques