Le duc est le maître du jeu

Difficile de le savoir avec certitude. Ce qui est sûr, c’est que Philippe le Bon  connaissait ce jeu et l’appréciait probablement puisqu’il possédait dans sa bibliothèque un traité des échecs.

L’art de placer ses pions

Fin stratège, Philippe le Bon parvient à occuper une place prépondérante sur l’échiquier politique européen du XVe siècle. Les habiles manœuvres  matrimoniales de son grand-père, Philippe le Hardi, lui confèrent déjà quelques « coups » d’avance sur ses adversaires, dont un très bel héritage. Avançant ses pions de manière tantôt diplomate, tantôt plus brutale, il profite également d’achats,  de mariages et même de décès inopinés et  étend ainsi sa domination sur les Pays-Bas méridionaux.

Parmi ses coups de maître, citons par exemple l’annexion du Hainaut, de la Hollande et de la Zélande arrachés à  sa cousine Jacqueline de Bavière. Pour légitimer cette prise de pouvoir, il commandera un outil de propagande majestueux : Les Chroniques de Hainaut.

Ce folio provient d’un exemplaire du Jeu des Eschies ayant appartenu à Philippe le Bon. Il contient 112 tabliers ou échiquiers de 64 cases. Un coup est représenté et expliqué à chaque page.

Un autre coup stratégique est la fondation de l’Ordre de la Toison d’Or. Très hiérarchisé, cet ordre entend défendre les valeurs chrétiennes et les vertus chevaleresques mais vise surtout, de façon à peine détournée, à renforcer l’autorité du duc sur l’ensemble de ses territoires.

De plus, Philippe le Bon assure également ses arrières. Après s’en être écarté un temps, il se rapproche de la France tout en ménageant ses alliés anglais, dans le contexte de la guerre de Cent ans finissante.

Jean de Vignay (traducteur), Le livre de la moralité de nobles hommes fait sus le gieu des esches. France, XIVe siècle. Ms. 11050, fol. 84v

Dans cette version française du traité de Jacques de Cessales (XIIIe siècle) sur le jeu des échecs, les pièces représentent les différentes composantes de la société. À l’intérieur de nombreuses lettrines rehaussées d’or prennent place le roi, la reine, le chevalier mais aussi le tavernier, le médecin ou le menuisier. Ici,  « Le roi se mouvant sur l’échiquier ».

Un jeu de guerre devenu le reflet de la ville médiévale

Au Xe siècle, les Arabes importent le jeu d’échecs des Indes vers l’Occident. Il se répand rapidement dans toute la société médiévale. Des échiquiers richement ouvragés en ébène, en ivoire ou en métal apparaissent chez les princes et les nobles. Mais les classes populaires y jouent également dans la pénombre des tavernes ou au fond des alcôves. Il fait même l’objet de paris, au grand dam de l’Église, qui voit cela d’un très mauvais œil.

Pourtant, de nombreux éléments du jeu d’origine laissent perplexes les Européens. Les soldats, éléphants et autres chars de combat qui protègent le  « shah » (ou roi) et son conseiller, le  « firz », dans le jeu d’origine sont ainsi remplacés progressivement par des fantassins, des tours et des pions assurant la sécurité des roi et reine. En près de deux siècles, ce jeu de guerre se transforme en jeu de cour en adéquation avec les valeurs de l’univers médiéval. Peu à peu, les pièces évoluent et l’échiquier devient l’expression de la ville nouvelle du Moyen Âge où prennent place et s’affrontent les différentes catégories sociales.

Willem Vorsterman, Le duc de Bourgogne Philippe le Bon réprime les Gantois. Gravure sur bois, S. II 30316.

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